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Edito : Terrorisme, les solutions africaines

Edito : Terrorisme, les solutions africaines

9 décembre 2015. En moins d’un mois, Boko Haram et les supplétifs de Daech en Afrique ont ensanglanté le continent dans un accès de fureur aveugle et de haine irrationnelle. Plusieurs pays en ont payé le plus lourd des tributs, enterrant leurs morts de plus en plus nombreux : le Mali, le Niger, le Nigeria, le Cameroun, le Tchad, la Tunisie et l’Égypte. Au regard de cette situation totalement inédite dans les annales de l’histoire des conflits africains, et de la persistance d’un fléau qui frappe indistinctement les États, nous est apparu nécessaire de contribuer humblement à la recherche des meilleurs voies et moyens susceptibles d’annihiler cette gangrène des temps modernes. Comment l'Afrique peut-elle au mieux, seule, faire face à la menace terroriste sur son sol ? Comment protéger les citoyens de la menace terroriste sans remettre en cause les principes fondamentaux de l'État de droit ?

Une menace transnationale.

Le principal attribut de la menace terroriste est son caractère transnational. Le terrorisme ne puise pas ses racines dans un État donné mais se déplace au gré de l'opportunisme des conditions. Si l'on en croit les théâtres d'interventions depuis 2001, nous sommes face à un déplacement de la menace terroriste du Moyen-Orient vers l'Afrique (Kenya-Somalie à l'Est, Libye-Egypte-Tunisie au Nord, Cameroun- Tchad-Soudan au Centre, Mali-Nigeria-Niger à l'Ouest). Les facteurs qui expliquent la vulnérabilité du continent face à ce fléau ne sont pas nouveaux, et personne ne peut se cacher derrière un effet de surprise : conflits ethno-religieux, pauvreté, mauvaise gouvernance, corruption, pillage des matières premières, appareils étatiques défaillants. En s'implantant au cœur d'un État dit « failli », les groupes terroristes montrent que les gouvernements ne sont capables, ni de protéger, ni de se faire obéir, et peuvent ainsi prendre en charge la population jusqu'à ce qu'elle se transfère à leur allégeance, de gré ou de force.

Un défi asymétrique et non-conventionnel.

Aujourd’hui, il est important d'identifier la typologie des groupes terroristes afin d'en évaluer les points faibles et ainsi d'articuler une politique de sécurité et de défense adéquate. Les modalités d'action des terroristes ne correspondent pas à une approche « Clausewitzienne » du conflit. Ils tentent en effet de se fondre dans la population, d'utiliser les personnes et les biens protégés comme des boucliers sans arborer de signes distinctifs. Leur but est de créer une insécurité permanente pour les forces régulières, cherchant à généraliser la suspicion. L'insécurité liée au terrorisme pose un nouveau défi aux États africains. Boko Haram ou « État Islamique  en Afrique de l'Ouest », État Islamique en Libye, Aqmi, Shebab, tous ces groupes prétendent agir au nom de l’Islam et dissimulent des projets de domination politique derrière des discours théocratiques. Pour contrer ces menaces, de nombreux pays tels que l’Égypte, la Tunisie, le Tchad, le Maroc, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, la Libye et le Kenya ont modifié leur législation contre le terrorisme.  Paradoxalement, l'action militaire permet d'étouffer les bastions terroristes mais pas de les faire disparaître (nous l'avons vu en Afghanistan, au Mali). Une action militaire peut par ailleurs créer de l'instabilité au sein d'un Etat et en faire (re)surgir le potentiel terroriste (Irak, Libye). Pour empêcher le déplacement, la résurgence ou le retour des terroristes, il faut donc endiguer les conditions de leur existence.

L’approche globale.

Une des pistes de solution pour les Africains, dans la lutte contre le terrorisme serait « l’approche globale ». Elle consiste à articuler « sécurisation militaire, réforme de la gouvernance politique et promotion d'un développement économique à l'échelle régionale ». Cela rejoint en outre la position des Nations Unies qui a adopté en 2006 une stratégie mondiale de lutte contre le terrorisme et appelle une réponse plurielle, et plus uniquement militaire. On le voit, après plusieurs mois de mobilisation sur le continent africain dans le cadre de la lutte contre les groupes terroristes islamistes, les attentats se poursuivent et la lutte semble stagner. Le Cameroun, le Tchad, la Somalie, le Nigeria, le Mali, pour ne citer que ces pays, s'enfoncent dans cette terreur galopante. Les mouvements extrémistes islamistes qui prônent la charia n'ont jamais été aussi actifs. Al Shabab, Boko Haram, AQMI, Ansar Dine, les groupes plus violents, maintiennent une pression sur les gouvernements du continent et ainsi accentuent cette terreur qui affecte le quotidien des populations.

Malgré les initiatives des pays engagés dans cette lutte, les résultats tardent à venir. D'ailleurs, des arrestations sont annoncées ici et là, la neutralisation de camps est elle aussi mise en avant par ces pays. A titre d'exemple, la Somalie, le Kenya et l’Éthiopie participent ensemble à la lutte contre Al Shabab au sein de l'AMISOM. Le Tchad, le Cameroun, le Niger et le Nigeria eux aussi se sont unis, au sein d'une force régionale, dans la lutte contre Boko Haram. Les pays alliés dans cette lutte, tels que les États-Unis et la France sont aussi actifs dans la formation, le renseignement et les frappes de drones. Certes, ces groupes sont combattus mais la lutte dispose-t-elle des atouts nécessaires pour en venir à bout ? Les faits d'armes de l’État Islamique et sa capacité de nuisance, font des émules chez tous les groupes qui sévissent en Afrique, notamment du fait de sa stratégie de communication extrêmement efficace. Au regard de ce qui précède, il serait judicieux que les États africains, résolument engagés dans la guerre contre le terrorisme, revoient ensemble leur stratégie globale de lutte afin d’accélérer le processus d’éradication de la menace :

Finances : Nous suggérons la création d'un fond régional, géré par l'Union Africaine (UA), qui permettrait de la création d'une force spécialisée dans la lutte anti-terroriste. Cette force inter-pays, serait équipée en conséquence, disposerait de moyens de projection et de renseignement à la pointe de la technologie. Ces fonds serviraient aussi, à financer les initiatives nationales visant à éradiquer la menace terroriste. Forces Armées : La création d'unités spécialisées dans la lutte anti-terroriste est urgente. Pour l'instant, quelques pays ont renforcé leurs dispositifs de lutte mais beaucoup reste à faire en matière de renforcement des capacités et de formation. La stratégie militaire, devrait focaliser sur la neutralisation des « têtes » des différents groupes, pour les déstabiliser, les désorganiser et en venir à bout. Parmi les mesures à prendre dans chaque pays, nous suggérons : le déploiement de forces inter-armées aux frontières de tous les pays avec des moyens de mobilité, pour couvrir les zones les plus poreuses ;  la sécurisation des sites touristiques majeures dans ces pays ;  la surveillance accrue de toutes les installations dites critiques (aéroports, ports, institutions, sites de production d'eau, d'électricité, de gaz, de pétrole, etc.) ; la multiplication de patrouilles dans toutes les grandes capitales de ces pays ; la surveillance et la protection accrue des principaux lieux de culte (chrétiens, musulmans, etc.) ; la multiplication des exercices de simulations d'attaques terroristes pour évaluer la capacité des forces et harmoniser l'intervention de tous les services concernés. Renseignements : il s'agit essentiellement de renforcer le dispositif, d'encourager l'échange d'informations critiques entre États et d'accentuer la surveillance des lieux de culte et des mouvements radicaux. L'infiltration de ces groupes est donc primordiale. L'anticipation de la menace, demeure la clé de la réussite de la lutte contre ces groupes. Anticiper leurs mouvements, leurs actions, leurs relais et leur mode opératoire.  Communication et Médias : il serait judicieux et dissuasif de davantage communiquer sur  les victoires de l’armée contre ces groupes, qu'il s'agisse d'arrestations ou de combats ou encore de démantèlement de cache d’armes, par exemple. Il est essentiel que les populations soient informées des résultats obtenus le cadre de cette lutte implacable. Sensibilisation et Contribution citoyenne :  il est urgent que les gouvernements des pays africains, mettent en place de véritables campagnes, quant aux méfaits du terrorisme et son mode de recrutement. Ces campagnes devront s’articuler autour de la vigilance de tous et les risques de radicalisation. Il importe aussi de promouvoir le dialogue et collaborer avec les leaders religieux musulmans afin de les impliquer et les responsabiliser sur les risques de radicalisation et de recrutement au sein de leurs communautés. A cet effet, un cadre de concertation devra être mis en place au niveau national. La mobilisation des musulmans du continent est plus que nécessaire, pour dénoncer le radicalisme religieux et ses conséquences qui frappent aussi cette communauté. Société : il s'agira essentiellement, de renforcer les mesures visant à réduire la pauvreté et d'éduquer un maximum d'enfants et jeunes. N'oublions pas, que l'analphabétisme et la pauvreté demeurent de véritables creusets, pour le recrutement des terroristes. Les pays africains devront tout mettre en œuvre, dans les 5 prochaines années, pour remonter leur indice de développement humain (IDH). L'objectif étant à terme, de réduire l'attractivité du terrorisme, auprès des plus vulnérables des sociétés africaines. Lois : les pays africains devront, pour ceux qui ne l'ont pas encore fait, renforcer leur arsenal juridique contre le terrorisme, tout en évitant de possibles dérives liberticides. Ouvertement menacé par le groupe Ansar Dine, début juillet 2015, la Côte d'Ivoire est un exemple à suivre dans ce domaine, car une loi a été votée le 3 juillet 2015, pour faire face à cette menace. L'arsenal juridique permet d'encadrer l'action anti-terroriste et protège les acteurs de cette lutte.

Du sang, de la sueur et des larmes.

La plupart des mesures préconisées ne sont pas nouvelles, cependant nous rappelons l'urgence de leurs mises en œuvre concomitante. Il importe de rappeler que la lutte contre le terrorisme est une « guerre d'usure » qui sera longue, douloureuse, coûteuse en vies humaines et très onéreuse. Les pays africains devront donc être solidaires et y consacrer une bonne part de leur budget pour éradiquer durablement la menace.

Henri Désiré N'ZOUZI

Conseiller en Géostratégie

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